Daniel Massé dépose une deuxième requête en révision et pose à cette occasion une question prioritaire de constitutionnalité visant à faire déclarer anticonstitutionnels les articles 623 et 625 de la loi sur la révision des condamnations pénales.
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Toulouse , le 1er mai 2010
À Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mme et M. les Conseillers
Membres de la Commission de Révision - Cour de Cassation - Palais de Justice
5 Quai de l'horloge - 75055 Paris RP
DEUXIÈME REQUÊTE EN RÉVISION
Présentée par Monsieur Daniel MASSÉ
Né le 5 octobre 1954 à Khouribga (Maroc) de nationalité française
détenu depuis le 12 décembre 2003
Représenté par M. Yannick MASSÉ, 31500 Toulouse
PLAISE À LA COMMISSION
Bref rappel des faits et de la procédure
En 1991, M. Daniel MASSÉ prêtait des machines et du matériel à la société Médilens, dont les propriétaires étaient M. Joseph HERNANDEZ pour 90 % des parts et Mme Dominique TERRIER son épouse, laquelle était gérante et détenait 10 % des parts. Ce prêt formait l'essentiel de l'outil de production que la société utilisait pour son activité : la fabrication de lentilles ophtalmologiques souples.
Un litige étant apparu lors de la résolution du contrat de commodat qui liait ladite société et M. MASSÉ, du fait que les époux HERNANDEZ ne souhaitaient plus régler le prix des machines selon le montant fixé en annexe dudit contrat et lui adressaient à cet effet un bordereau qui ne lui correspondait pas, M. MASSÉ a porté plainte en mars 1994 pour faux et abus de confiance.
Il a reconnu de bonne grâce lors d'une confrontation organisée par la gendarmerie le 2 novembre 1994 que le document que lui présentaient les époux HERNANDEZ n'était certes pas un faux, cependant qu'il concernait un projet de transaction tout autre et antérieur. Aussi s'est-il réservé le droit de poursuivre la procédure devant une juridiction civile pour obtenir le paiement de la totalité de la somme prévue par ledit contrat et son annexe dûment contresignés par la société Médilens.
Le matin du 14 décembre 1994, les époux HERNANDEZ sont victimes d'un colis piégé – en fait le bricolage artisanal d'un cocktail Molotov, actionné par un circuit électrique relié au couvercle – qui les brûle gravement. Mme HERNANDEZ accuse aussitôt M. MASSÉ d'en être l'auteur en affirmant que cinq éléments l'incriminent :
- elle ne se connaît pas d'autres « ennemis »,
- elle prétend que ce dernier aurait menacé en 1984 l'un des supérieurs hiérarchiques de l'entreprise dont il était salarié à l'époque, de mettre une bombe sous sa voiture. Cette assertion de la plus haute fantaisie n'étant même pas reprise par M. HERNANDEZ, est, de plus, démentie par de nombreux témoignages,
- il l'aurait menacée en mars 1994, elle et son époux, lors de la négociation de la résolution du contrat – cette allégation, que M. MASSÉ réfute avec vigueur, n'est corroborée par aucun témoignage,
- elle affirme, curieusement quelques heures après l'explosion, qu'il poserait des alarmes autoalimentées pour son cousin ou ses voisins – ce qui s'avère d'ailleurs inexact, or la caisse contenait une batterie qui pourrait provenir de telles alarmes,
- il se serait vengé de ne pas avoir été réglé complètement du prix des machines et du matériel en application du contrat de prêt et de vente qu'elle a contresignée.
L'instruction de ce dossier dure cinq ans et la procédure sept années, enlisées par le manque d'éléments et les contradictions de ses objectifs, puisqu'elle n'est dirigée que contre M. MASSÉ, les paroles de Mme HERNANDEZ et de son père, M. André TERRIER n'étant jamais mises en doute par l'enquête.
M. MASSÉ est acquitté par la cour d'assises de Toulouse le 31 mai 2002, cependant que le parquet fait appel en usant pour la première fois d'une loi promulguée les semaines précédentes, en réalité de façon rétroactive puisque cette possibilité d'appel des acquittements aggrave nécessairement la situation de l'accusé quant à la peine qu'il encourt en comparaison de ce qu'énonce la Loi dans l'état où elle se trouve à la date de commission des faits, qui ne prévoit pas de possibilité d'appel d'une décision de cour d'assises.
C'est donc en appel qu'il est condamné le 12 décembre 2003, le Président des assises, M. Jacques Richiardi, ayant préalablement tenté en vain de trouver des charges supplémentaires par des commissions rogatoires qu'il dirige, ayant écrit que le dossier qui lui était confié lui paraissait « incomplet » quant aux charges d'accusation.
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L'irrecevabilité de la première requête
M. MASSÉ ayant été condamné à tort le 12 décembre 2003, pour tentative de meurtres avec préméditation et destruction de bien appartenant à autrui par un moyen de nature à créer un danger pour les personnes par l'effet d'une substance explosive ou d'un incendie, à 25 ans de réclusion criminelle, a déposé devant la Commission de révision des condamnations pénales le 22 mai 2009 une requête en révision comprenant :
- d'une part l'énoncé argumenté de deux faits nouveaux : la démonstration issue d'un constat effectué par huissier que les expertises ayant joué un rôle fondamental dans la condamnation étaient viciées et controuvées et la mise en évidence par la production de pièces jamais révélées, du véritable mobile du crime qui consistait en réalité dans la spoliation de M. HERNANDEZ de la propriété de l'entreprise qu'il avait créée, l'attentat dont il était victime visant à l'intimider et le condamner à la résignation et au silence après qu'il ait été dépossédé de 60 % des parts qu'il détenait au profit de son beau-père,
- d'autre part l'énoncé argumenté de 6 éléments inconnus de la juridiction qui tendaient à démontrer sans contestation possible que Mme HERNANDEZ et M. TERRIER son père étaient fortement impliqués dans le dépôt du colis piégé qui avait valu la condamnation de M. MASSÉ.
La Commission de révision a rendu le 8 février un arrêt d'irrecevabilité en donnant pour seule indication qu'elle s'était « mise en mesure de s'assurer que cette demande n'entrait pas dans les prévisions de l'article 622-4° du Code de procédure pénale », donc en renvoyant les motivations de son arrêt que prescrit l'article 623 du Code de procédure pénale au secret du délibéré, pour ne pas prendre en compte :
- le contexte de fragilité juridique de violations répétées des libertés fondamentales qui entoure la condamnation prononcée contre Daniel MASSÉ par la Cour d'assises de Montauban le 12 décembre 2003,
- les deux faits nouveaux et les six éléments inconnus de la juridiction.
Ainsi, ledit refus provient de ce qu'elle n'a pu ou n'a pas estimé opportun de discerner en quoi – le fait qu'ils soient nouveaux ou inconnus de la juridiction au jour du procès ne pouvant être sérieusement contesté – ils démontraient l'innocence de M. MASSÉ ou même faisait douter de sa culpabilité,
et a considéré, vraisemblablement au vu des conséquences institutionnelles et juridiques qui étaient susceptibles de s'ensuivre, qu'il convenait de s'imposer une limite dans la recherche de la vérité. Si tel n'était pas le cas, n'aurait-elle pas omis de produire les thèses et démonstrations en appui qui fondaient son rejet.
Ceci, au risque de laisser perdurer une très grave injustice, un malheur immérité qui touche une famille entière, et de contrevenir à la loi et aux libertés fondamentales garanties par la Constitution de la République et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont la France est signataire et dont M. MASSÉ, en tant qu'il est citoyen de la République française, aurait dû et doit bénéficier.
En effet, si la Commission considère de façon discrétionnaire que les faits et éléments inconnus présentés ne rentrent pas dans le cadre de l'article L622 – 4ième du Code de procédure pénale, alors il est difficilement compréhensible qu'il n'ait pas été donné suite aux demandes légitimes que M. MASSÉ a formulées expressément :
- que soit examiné la pertinence de ce qu'il considère avec quelques arguments comme le véritable mobile du crime qui lui est reproché à tort, arguments que la Commission n'a pas souhaité en l'état réfuter.
- et que soient interrogés à ce propos et à propos de leur conduite le matin des faits, les principaux témoins à charge, tel que le prescrit l'article 6 – 3 – d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Ces personnes, que la requête ne manque pas de mettre en cause comme étant en réalité les auteurs probables du colis piégé, auraient eu la possibilité de se justifier pleinement, notamment de ce qu'elles avaient dissimulé à l'institution judiciaire et des accusations portées contre elles, et plus encore de pouvoir reprocher à M. Daniel MASSÉ d'avoir émis à leur encontre des allégations injustes et non fondées.
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Les faits et les éléments établis par la première requête en révision
Aux fins de bonne compréhension, il convient d'exposer en liminaire quelques éléments saillants des circonstances qui ont abouti à la condamnation de M. Daniel MASSÉ pour un crime dont il est désormais incontestable et établi qu'il lui a été reproché à tort, ayant été commis bien plus certainement par d'autres, lesquels ont tout mis en œuvre aux fins qu'il soit accusé et condamné à leur place.
Lorsque M. MASSÉ propose à M. Jo HERNANDEZ de confier en 1991 aux soins de sa société les machines et le matériel en sa possession, il le fait dans un esprit de complète bienveillance et dans une volonté de rendre service et de leur permettre de développer l'activité de l'entreprise.
M. MASSÉ conclut et contresigne par la suite un contrat avec la société Médilens qui stipule le prêt gracieux des machines et du matériel en contrepartie de quoi des parts de la société dans une proportion à convenir le moment venu lui seront cédées en procédant à la modification des statuts, ou bien la société achètera les machines à leur propriétaire selon un prix fixé en annexe du contrat, ou bien encore les machines lui seront restituées dans leur état d'usage.
Il convient de noter qu'à tout instant, ce sont les HERNANDEZ qui sont en demande d'aide et de matériel que M. MASSÉ leur accorde, et que cela n'exprime pas la volonté irrépressible de ce dernier de gagner de l'argent à tout prix, sinon ne se serait-il pas contenté d'un prêt gracieux sans indiquer sur le contrat qui le formalisait la date précise à laquelle il entendait recueillir le fruit de son soutien décisif.
Après deux ans, début 1994, M. MASSÉ constate néanmoins que l'activité et les revenus de l'entreprise sont devenus réguliers et suffisants et qu'il peut être fait application des clauses du contrat en résolution du commodat, constat que les époux HERNANDEZ n'ont jamais contesté.
Ce qu'ils contestent, c'est le prix de vente des machines qu'ils n'entendent pas régler en totalité.
La Commission de révision ne peut manquer de remarquer en conséquence que l'accusation ne repose en réalité que sur un mobile fictif qui suppose que M. MASSÉ ne détient aucune voie de recours pour obtenir le paiement de la somme pharamineuse de 31 420 francs que lui doit effectivement la société Médilens en application des clauses du contrat, et dès lors il apparaît que l'arrêt de renvoi allant jusqu'à nier l'existence et la nécessité d'exécuter de bonne foi le contrat de prêt, ne pouvait qu'induire les jurés en erreur sur cet aspect du dossier.
Et que c'est pour cette seule raison que le montant du litige n'apparaît jamais dans ledit arrêt de renvoi tel qu'il a été lu aux trois jurys d'assises qui ont eu à connaître de ce dossier.
Il apparaît bien en conséquence que la société Médilens doit effectivement de l'argent à M. MASSÉ en application du contrat du prêt et de vente régulièrement conclu, mais également que Mme HERNANDEZ, en tant que gérante de ladite société laisse apercevoir dès cet instant qu'il n'est nullement dans son intention de résoudre le différend en s'acquittant de la somme qu'elle n'a pourtant pas contestée lors de la signature officialisant le prêt des machines.
Il est complètement invraisemblable de supposer que M. MASSÉ aurait pu dans ce contexte se venger, tandis qu'il se trouve en réalité dans la situation de réfléchir sur la possibilité qu'il a d'engager une procédure civile devant le Tribunal d'instance, procédure qu'il a de fortes chances de remporter au contraire de ce qu'énonce sans précaution et sans démonstration l'arrêt de renvoi.
Dès lors qu'il n'est pas dans les intentions des dirigeants de Médilens de régler la somme due et mettre fin au litige, alors qu'ils ont pourtant tout à craindre de la susdite procédure civile, il se démontre aujourd'hui que cette mauvaise foi se double d'un calcul. Ce qui explique que l'on a entretenu ledit litige à dessein.
Il est ourdi à cet instant une machination dont l'objectif principal ne concerne pas M. MASSÉ. En effet, il est question pour M. TERRIER de s'emparer de la propriété de l'entreprise conjointement avec sa fille et, pour cet objectif, convient-il d'intimider fortement son gendre par le biais d'un attentat afin qu'il accepte d'être spolié des deux tiers des parts qu'il détient, tout en étant réduit au silence par la même occasion.
Il s'agit dans un second temps de faire en sorte que l'accusation se porte sur M. MASSÉ en mettant en exergue le différend commercial de 31 420 francs qui sera présenté comme mobile, en agrémentant le colis piégé de signes qui le désigneront :
- le minirupteur dont il est connu d'eux qu'il en possède un exemplaire incomplet, confié par M. HERNANDEZ pour l'amélioration de l'une des machines utilisée par Médilens,
- la batterie dont on suppose qu'il en détient une semblable pour l'alarme de son domicile, M. MASSÉ ayant par ailleurs proposé quelques mois auparavant d'installer une alarme autoalimentée dans les locaux de Médilens,
- le tracé des lettres apposées sur les faces du colis piégé dont la forme est copiée d'un classeur appartenant à M. MASSE, lequel classeur se trouve à cette époque depuis plusieurs années entre les mains de M. HERNANDEZ et de M. TERRIER, ce dernier allant le porter aux enquêteurs pour faire justement noter cette ressemblance,
- enfin la faute d'orthographe grossière qui entache l'adresse portée sur l'étiquette, d'autant plus improbable qu'elle fait référence à un nom au pluriel que M. MASSÉ aperçoit régulièrement sur un panneau indicateur de rues, en allant faire ses courses.
L'attentat au colis piégé :
Le 16 décembre 1994, à 7h30 du matin, lorsque M. HERNANDEZ aperçoit sous le porche de l'entrée des locaux de la société Médilens un colis sous forme d'une caisse en bois, il n'est nullement dans ses intentions de l'ouvrir, d'autant qu'il ne reconnaît pas le signe qui se trouve sur le couvercle, lequel veut maladroitement représenter un tournevis : il déclare avoir pensé pour sa part qu'il s'agissait d'une bouteille.
C'est son épouse qui, après avoir rentré la caisse dans le hall, reconnaît la signification de la « bouteille » dessinée sur le couvercle, déniche aussitôt le tournevis adéquat et demande à son mari d'ouvrir ladite caisse dont il ne se préoccupait plus. Il rapporte dans ses dépositions qu'il a hésité à le faire, s'apercevant que l'adresse de l'expéditeur ne figurait nulle part.
C'est sa femme qui le presse, alors qu'elle est pourtant censée craindre M. MASSÉ et qu'elle évoquait 15 jours plus tôt les menaces qu'elle prétendait avoir reçu de lui.
Le couvercle s'ouvre brutalement aussitôt que les deux vis l'ont libéré totalement et que M. HERNANDEZ l'a fait décoller subrepticement. La boîte laisse s'échapper une véritable boule de feu. Ainsi, contrairement à ce que prétendra l'expert dans son rapport, celle-ci s'est ouverte exactement comme il était prévu, son caractère incendiaire et non explosif laissant à penser, au contraire de ce qu'invoque l'incrimination retenue contre M. MASSÉ, qu'il s'agissait non pas de tuer mais de blesser physiquement pour immobiliser et intimider.
Les époux HERNANDEZ sont, de fait, grièvement brûlés, mais Madame HERNANDEZ est restée opportunément en retrait et l'est relativement moins. Il est fort vraisemblable que la puissance de cet engin n'a pas été bien mesurée et qu'il ne devait pas atteindre les victimes avec un tel degré de gravité.
Alors que, pourtant, elle ne se méfiait plus et s'empressait de faire ouvrir un colis plus que mystérieux dans sa forme et dans son poids, c'est Mme HERNANDEZ qui accuse aussitôt M. MASSÉ avec virulence, invoquant le différend commercial, arguant que M. MASSÉ saurait fabriquer des machines infernales parce qu'il pose des alarmes, certains modèles contenant des batteries du même type que celles que l'on retrouve dans le colis piégé.
Aussitôt, la question se pose de connaître par quel moyen cette personne a pu connaître le contenu du colis piégé et invoquer un système qui contient une batterie auto-alimentée à cet instant, le jour même, tandis qu'elle s'est éloignée des lieux de l'attentat sans se retourner et sans apercevoir la batterie que le colis contenait précisément ?
En réalité, l'enquête n'a pas non plus déterminé où se trouvait précisément M. TERRIER ce matin là, tandis qu'il est démontré qu'il n'était plus à son domicile, à examiner l'heure rapprochée à laquelle il dit se présenter sur les lieux de l'attentat, ni par qui il aurait été prévenu. Elle ne s'est pas interrogée non plus sur les curiosités de son comportement : le fait qu'il ne s'enquiert jamais de l'état de santé de sa fille, ni ne cherche à la voir avant son départ pour le C.H.U. de Rangueil.
Aujourd'hui, il apparaît en pleine lumière que les charges retenues contre M. MASSÉ par l'arrêt de renvoi en Cour d'assises portent en réalité la marque de ceux qui ont commis cet attentat et ont tout mis en œuvre pour faire porter l'accusation sur lui :
Rien ne saurait expliquer la longueur infinie de l'instruction de ce dossier et son enlisement durant 6 années, sinon le fait qu'on s'est attaché à poursuivre une seule piste à tout prix, y compris même au mépris des faits, des témoignages et des constatations.
Il convient de rappeler que les différentes perquisitions effectuées le jour même au domicile de M. MASSÉ n'ont pas permis de découvrir la moindre chute, la moindre poussière, le moindre élément qui puisse se rapporter au colis piégé, les analyses de la composition des différents matériaux qui se trouvaient à son domicile ayant permis de conclure qu'il ne se trouvait rien qui se rapportât au colis piégé.
Dès lors, l'enquête dirigée à charge contre M. MASSÉ, négligeant de poser d'autres hypothèses hormis celle résultant des incriminations pourtant fantaisistes et exagérées proférées par Mme HERNANDEZ, puis son mari et son père, ne pouvait parvenir à mettre à jour la vérité des faits et se contentait de poser des allégations de ressemblances pour le moins diffuses et inopérantes.
Celles-ci avaient d'autant moins de portée qu'on invoquait d'un côté l'ingéniosité et la méticulosité de M. MASSÉ – en dissimulant l'aspect de mauvais bricolage et d'assemblage de fortune qui avait présidé à la conception dudit colis piégé –, et de l'autre de supposées incroyables bévues : celles de laisser bien en évidence les effigies du colis piégé : une bouteille de vin, un minirupteur, des batteries avec leurs numéros d'identification (que les enquêteurs n'auraient d'ailleurs pas trouvées s'ils n'avaient disposé de ses aimables indications).
L'accusation en réalité, ne reposait que sur les incriminations fantaisistes ou malvenues, portées par les victimes.
Ainsi donc, convient-il aujourd'hui de prendre en compte le dossier dans toutes ses dimensions, au regard des deux faits nouveaux et des six éléments inconnus de la juridiction au jour du procès ayant condamné M. MASSÉ, éléments et faits qu'il a précédemment présentés et que la Commission a bien voulu examiner en confirmant s'être mis en état de s'assurer de leur pertinence.
Il restait cependant à prendre en compte le rôle de M. HERNANDEZ qui, poussé par son épouse pour ouvrir le colis mystérieux, subit un attentat d'une gravité certaine et décide de cacher à l'institution judiciaire le fait qu'il a été privé à ce moment précisément de la propriété de l'entreprise qu'il avait créée, comme en attestent les documents déposés au greffe du Tribunal de commerce de Haute-Garonne et jamais présentés.
Il apparaît aujourd'hui seulement qu'il a bien tenté de prévenir M. MASSÉ et son épouse de ce dont il avait été victime, sans toutefois vouloir le dévoiler aux yeux de sa famille et en s'évertuant à sauver les apparences, aussi il est désormais patent qu'il a composé des lettres anonymes en jouant sur l'assonance de son diminutif avec le pronom personnel qui le désigne comme auteur : Je – Jo, lettres anonymes qui ont été adressées à M. MASSÉ et son épouse Mme FILIPPI.
L'explication des lettres anonymes reçues par Mme FILIPPI et M. MASSÉ forme un nouvel élément inconnu de la juridiction qui, s'ajoutant à ceux précédemment présentés, met en lumière l'innocence avérée de M. MASSÉ et emporte l'annulation pure et simple et sans renvoi de sa condamnation.
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Élément inconnu de la juridiction au jour du procès démontrant l'innocence de M. MASSÉ
Élément inconnu de la juridiction au jour du procès démontrant l'innocence de M. MASSÉ en ce qu'il désigne M. André TERRIER comme le véritable concepteur du colis piégé et comme celui qui l'a déposé aux fins de s'approprier par intimidation la société Médilens :
Deux lettres anonymes adressées à M. MASSÉ et à son épouse proviennent de M. HERNANDEZ qui, sous forme cryptée, veulent désigner le véritable coupable, annoncent que Jo (pour Joseph) pardonne, et qu'il reste avec sa femme et ne peut être d'aucun secours pour le destinataire tant qu'il « ferme les yeux ».
Élément supplémentaire inconnu de la juridiction au cours du procès de nature à disculper le condamné et incriminer M. André TERRIER :
En ce que, n'ayant tenté que d'attribuer vainement à M. MASSÉ l'origine des deux lettres anonymes dont le destinataire était respectivement lui-même et son épouse, l'instruction n'a jamais procédé au déchiffrement de leur contenu, ni déterminé ce qu'elles signifiaient, ce dont il n'a pas plus été question lors des différentes audiences.
Il apparaît aujourd'hui qu'elles proviennent d'une personne qui témoigne que le coupable n'est pas celui qu'on pense et qu'il est « Maure ».
Étant posé que ces lettres ont été écrites par M. HERNANDEZ en ce qu'elles signifient qu'il se trouve prisonnier d'un secret redoutable et ne sait plus s'il doit partir ou rester, elles désignent un autre coupable que M. MASSÉ en celui qui a pris pied par la force dans le capital de l'entreprise comme autrefois les Maures ont envahi l'Espagne.
Ces lettres confirment ainsi le véritable mobile du colis piégé, démontrant que M. MASSÉ y est étranger.
a/ Le langage utilisé dans les lettres anonymes est un sabir mélangeant plusieurs langues dont le corse, l'italien, l'espagnol et le catalan, ce mixage servant à crypter l'information qu'elles contiennent.
Le 23 novembre 1996 sont postées deux lettres de Saint-Pierre-de-Chignac en Dordogne, l'une à destination de M. MASSÉ et l'autre à destination de son épouse, Renée FILIPPI à l'adresse des parents de cette dernière.
Elles sont écrites au normographe, puis photocopiées. De même l'adresse est-elle écrite au normographe, photocopiée, découpée et collée sur l'enveloppe.
Par l'intermédiaire de Christelle MASSÉ, elles parviennent au juge instructeur, Joachim FERNANDEZ, qui en dispose en octobre 1997 et entreprend des recherches approfondies en vue de confondre leur auteur qu'il croit être M. MASSÉ lui-même. Ces recherches n'aboutiront strictement à rien.
Le message destiné à Mme René FILIPPI est ainsi composé (pièce n° 1) :
CIÓ CHE TU CREI É DANNU .
U CULPÉULE É MORU .
U JO BENEDI U PERDONNU .
Il est accompagné d'un signe lithographié qui représente l'emblème corse, le Maure et son bandeau. Ce signe paraît mettre en avant ce qui sert de paravent à la dissimulation de son auteur.
Le texte quant à lui recèle tout à la fois des mots d'origines espagnole, catalane, italienne et corse. Cependant nombre d'entre eux ont une terminaison en « u » qui leur donne une apparence corse.
En réalité, le rédacteur a produit un mélange du peu d'italien qu'il semblait connaître avec des mots d'origine espagnole et catalane qu'il paraît maîtriser davantage et qu'il travestit en leur donnant une désinence en « u » pour en rapprocher l'apparence de la langue corse.
L'expéditeur connaît donc l'origine corse de l'épouse de M. MASSÉ et l'inclination de M. MASSÉ pour cette région. Cependant, le mélange des deux langages Italien/Espagnol semble vouloir signifier qu'il a cherché à transmettre une information sur lui-même sans toutefois se dévoiler, c'est à nul doute pour cette raison qu'il recouvre la résonance espagnole par l'apparence d'un corse « de cuisine ».
Une traduction du message donne cette signification :
Ce que tu crois te cause du tort.
Le coupable est Maure.
Et Jo bénit et pardonne.
Car le message joue sans doute de l'ambigüité qui fait passer « Jo » pour « Je » et désigne tout en même temps Joseph HERNANDEZ que tout le monde appelle Jo. Par la même, l'auteur se dévoile : Jo est l'auteur de la lettre et parle à la première personne.
Ainsi apparaît-il un élément inconnu de la juridiction en ce que le message veut prévenir M. MASSÉ par l'intermédiaire de sa femme que ce qui se déroule et le désigne comme coupable dissimule la vérité qui est celle de la spoliation. Le message autrement dit l'incite à découvrir ce que cache le colis piégé : « Ce que tu crois te cause du tort. », savoir qu'il suffirait de comprendre les conséquences véritables du colis piégé pour cesser d'envisager cette affaire sous un angle qui risque de porter un préjudice à M. MASSÉ et sa famille.
« Le coupable est Maure »
Masquant le message sous le même voile qui fait inutilement référence à la Corse, l'auteur joue sur les mots, il convient donc de rechercher la référence espagnole par delà la référence corse.
Et faut-il entendre le Maure en fin de compte, non pas comme celui de l'emblème Corse, mais comme l'envahisseur arabe qui vient occuper l'Espagne.
La phrase en sa traduction constitue un élément inconnu de la juridiction en ce sens qu'elle corrobore le véritable mobile : il est signalé sous forme cryptée à Mme MASSÉ que le coupable s'est emparé de l'Espagne, savoir de l'entreprise Médilens autrefois dirigée par un homme d'origine espagnole.
Il sera noté incidemment que M. TERRIER a été ingénieur et a travaillé dans les mines de phosphates au Maroc où sa fille est née, ce qui donne toute signification au terme « Maure ».
Enfin, l'auteur signale par ces mots : « Et Jo bénit et pardonne », que Jo HERNANDEZ a accepté volens nolens d'être spolié (il bénit en toute fin l'opération du Maure) et qu'il pardonne pour le crime qu'on a commis contre lui.
C'était donc indiquer à M. MASSÉ qu'il lui revenait d'interpréter cette affaire et de la dénouer, que Jo HERNANDEZ, l'expéditeur de ce message anonyme, n'y aurait pas ce pouvoir, prisonnier du silence auquel il s'était assigné par contrainte ou par manque de courage.
Le message indique que Jo HERNANDEZ a pris conscience des conséquences dangereuses que son silence risque de provoquer et décide de placer entre les mains de son ancienne relation, deux messages cryptés, dont l'un par l'intermédiaire de sa femme, sur la solution dissimulée et ce qui a de fait motivé la confection du colis piégé.
b/ Le message envoyé à M. MASSÉ le corrobore pleinement, qui est ainsi composé (pièce n° 36) :
SERRÁ OTTII , PERDUNA , U JO
FÁR ADDIO (U RESTU . )
Il sera noté que le rédacteur du message avait sans doute songé écrire OTTU, et qu'il s'est ravisé, gommant la base du « U » et posant deux points sur les branches restantes, pensant sans doute que le mot, par trop déformé et « corsisé » n'était plus compréhensible.
Une traduction du message donne cette signification :
Ferme les yeux, pardonne, et Jo fera Adieu [s'en ira] (et restera).
Il est toujours question dans ce second message – qui confirme ainsi les termes du premier – de ne pas fermer les yeux, de ne pas suivre aveuglément l'enquête qui désigne M. MASSÉ, au prétexte que cela est commode.
À ne pas vouloir ouvrir les yeux, à « pardonner », l'on condamne Jo à partir, savoir s'éloigner de M. MASSÉ, autrement dit à ne pouvoir lui être d'aucun secours, et tout à la fois rester, savoir continuer à vivre avec son épouse et son beau-père sans rien dire, tandis qu'ils ont porté contre lui une agression d'une rare violence.
Ou bien le message peut s'entendre en exact inverse : Jo demande qu'on lui pardonne ne n'avoir pas agi face à l'agression qu'il a subi de la part de sa femme et de son beau-père, de refermer les yeux sur cette inaction et lui permettre de partir.
Ces lettres anonymes expriment donc de façon cryptée mais claire la situation qui est celle de M. HERNANDEZ, soudainement privé des parts de sa société, qui sait que l'attentat qu'il a subi en est l'explication, mais qui est contraint au silence.
Cette signification profonde qui émane de ces écrits anonymes constitue en conséquence un élément inconnu de la juridiction au jour du procès.
c/ M. HERNANDEZ est la seule personne susceptible d'avoir envoyé de tels messages.
Le fait même de mettre en avant des symboles corses, de mélanger la langue corse avec l'espagnol exclut de fait la belle-famille de M. MASSÉ, de plus la personne qui a expédié ces courriers ne sait pas que Mme FILIPPI n'habite plus depuis quelques temps chez son père, et qu'elle a repris un appartement à Castanet.
Ceci exclut également M. MASSÉ dont on ne voit pas comment il pourrait s'écrire des lettres anonymes dans la situation qui est la sienne, d'autant mieux en mauvais corse pour dire qu'il bénit et pardonne, moins encore au domicile de son beau-père dont il sait que son épouse n'y réside plus.
De même M. MASSÉ ne disposait pas des six heures nécessaires le 22 novembre 1996 pour porter ces lettres à Saint-Pierre-de-Chignac et effectuer les 540 km aller et retour qui le séparent de cette commune.
En revanche Joseph HERNANDEZ est la seule des trois personnes susceptibles d'être suspectées de l'envoi de cette lettre à ne pas être au courant de la nouvelle adresse de Mme MASSÉ.
Par l'intermédiaire de leur conseil, les époux HERNANDEZ sont informés pas à pas de l'évolution du dossier, par conséquence de tout ce qui touche à l'existence des époux MASSÉ. Ils savent donc que le couple rencontre des problèmes relationnels, ce qui les a conduits à entamer une procédure de séparation, en conséquence de quoi Mme MASSÉ est allée s'installer chez ses parents à Ramonville.
Le 23 novembre 1996, aucune indication dans le dossier ne permet de savoir que Mme MASSÉ a trouvé un appartement dans lequel elle s'est installée au début du mois d'octobre 1996.
Il apparaît donc que M. HERNANDEZ était naturellement enclin à penser que Mme MASSÉ résidait effectivement à cette date à Ramonville. Et c'est donc en toute logique qu'il adresse le courrier destiné à Mme MASSÉ à l'adresse de son père.
Il peut se concevoir qu'il ait posté ces lettres depuis Saint-Pierre de Chignac, en l'absence de son épouse, à l'occasion d'un déplacement à La Roche-Posay, où il recevait des soins depuis l'explosion du colis, ceci n'occasionnait en effet qu'un détour d'une centaine de kilomètres tout au plus.
Élément inconnu de la juridiction au cours du procès de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné :
En ce que, n'ayant tenté que d'attribuer vainement à M. MASSÉ l'origine des deux lettres anonymes dont le destinataire était respectivement lui-même et son épouse, l'instruction n'a jamais procédé au déchiffrement de leur contenu, ni déterminé ce qu'elles signifiaient, ce dont il n'a pas plus été question lors des différentes audiences.
Il apparaît aujourd'hui qu'elles proviennent d'une personne qui témoigne que le coupable n'est pas celui qu'on pense et qu'il est « Maure ».
Étant posé que ces lettres ont vraisemblablement été écrites par M. HERNANDEZ en ce qu'elles signifient qu'il se trouve prisonnier d'un secret redoutable et ne sait plus s'il doit partir ou rester, elles désignent un autre coupable que M. MASSÉ en celui qui a pris pied par la force dans le capital de l'entreprise comme autrefois les Maures ont envahi l'Espagne.
Ces lettres confirment ainsi le véritable mobile du colis piégé, démontrant que M. MASSÉ y est étranger.
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Au vu de l'élément inconnu de la juridiction aujourd'hui présenté, qui vient s'ajouter aux faits nouveaux et éléments inconnus de la juridiction au jour de la condamnation, présentés dans la première requête en révision déposée par M. MASSÉ, la commission de révision constatera avec certitude que celui-ci n'est pas l'auteur d'un crime dont il est établi aujourd'hui qu'il regarde un drame commercial et familial qui concerne la captation d'une majorité de parts de propriété de l'entreprise Médilens, ce qui constituait en réalité le véritable mobile, lequel met en cause exclusivement l'entourage familial de M. Joseph HERNANDEZ, notamment sa femme et son beau-père.
Et saisira derechef la Cour de révision, afin que la Chambre criminelle de la Cour de cassation annule purement et simplement la condamnation pénale prononcée contre Daniel MASSÉ le 12 décembre 2003 par la Cour d'assises du Tarn et Garonne, et constatant qu'il ne subsiste rien à sa charge qui puisse être qualifié de crime ou de délit, qu'elle ne prononce en l'espèce aucun renvoi.
Demande que soit suspendue l'exécution de la condamnation en application de l'article 624 du Code de procédure pénale.
Il convient de constater que la Commission de révision, précédemment saisie d'une première requête en révision, laquelle faisait état d'une demande de suspension de l'exécution de la condamnation de M. MASSÉ, n'a pas été en mesure de porter une réponse argumentée à cette dernière tandis qu'elle la rejetait dans les faits et qu'elle a pris appui sur son arrêt d'irrecevabilité pour le déclarer simplement dépourvu d'objet à compter du prononcé de celui-ci.
Aussi, constatant que nulle charge, nul argument sérieux ne subsistent en fait et en droit qui pourraient motiver la poursuite de l'exécution de la condamnation dans ce contexte, M. MASSÉ renouvelle sa demande de suspension de l'exécution de sa condamnation dont il convient de constater l'entier bien-fondé, au vu des éléments présentés dans la précédente requête, à quoi s'ajoute l'élément inconnu de la juridiction ci-dessus développé.
Enfin, en application de l'article 623 du Code de procédure pénale, M. MASSÉ demande à ce que la décision de la Commission quant à la recevabilité de cette requête et sa transmission à la Cour de révision soit rendue en séance publique.
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Pièces annexées :
1) D252 : copie de la lettre anonyme adressée à Mme FILIPPI,
2) D253 : copie de la lettre anonyme adressée à M. MASSÉ,
3) Procès verbal coté D269 : audition de M. Filippi à propos des courriers anonymes par lequel il indique que M. MASSÉ ne parle pas le corse et que le texte des lettres est composé selon lui d'un mélange d'italien et de corse.