29 November 2008 ·
2/ J'accuse*Quand l'arrêt de la Cour de cassation désigne de façon insupportable l'incompétence supposée des avocats Forget et Boucharinc...Lorsque le Président de la Cour d'assises d'appel est saisi du dossier en 2002, il écrit que : « l'instruction paraît incomplète ». C'est reconnaître que les jurés de Toulouse ont acquitté M. Massé en première instance du fait de l'absence de charges probantes et qu'en réalité, l'instruction toute entière dirigée contre lui n'en a réuni aucune sinon de façon « incomplète » ou plus exactement « insuffisante ».Cinq années d'investigations pour aboutir à un dossier « incomplet » : Ce Président censure de façon cinglante son prédécesseur chargé de l'instruction. Autrement dit le juge d'instruction n'était à ses yeux qu'un amateur inapte à mener des investigations correctes et M. Massé n'aurait jamais dû être renvoyé devant une Cour d'assises.DE GRAVES IRRÉGULARITÉSPour « compléter » le dossier d'instruction, le Président des assises d'appel se transforme à son tour en juge d'instruction – en procureur devrait-on dire, car s'il dirige trois enquêtes, elles sont toutes les trois à charge et visent toutes les trois à établir des charges supplémentaires contre M. Massé. Il ne pouvait donc plus présider les assises d'appel sauf à méconnaitre l'article 253 du Code de procédure pénale, ayant perdu de fait et de droit toute neutralité.Comme de surcroit aucune des trois enquêtes à charge n'a débouché, il pouvait se conclure que M. Massé n'avait aucune raison de se trouver devant une Cour d'assises d'appel, le dossier demeurant « incomplet » et les charges « insuffisantes ».L'on conviendra qu'il serait moralement et constitutionnellement inacceptable qu'un président d'assises soit en même temps instructeur tout autant que procureur, et la loi intime au premier président de la Cour d'appel d'autoriser un magistrat à se récuser de lui-même lorsqu'il s'aperçoit qu'il cumule les casquettes en violation du Code de procédure pénale.Or le magistrat préside tout de même, et personne n'y trouve rien à redire.Les débats ne prenant pas la tournure souhaitée par l'accusation, ledit président interrompt les audiences et renvoie le procès aux fins de diriger une quatrième enquête à charge, symptôme d'un certain acharnement ou d'un acharnement certain. Elle n'aboutit pas plus que les autres.Il préside à nouveau, et cette fois, c'est en méconnaissance de deux articles additionnés du Code de procédure pénale. La loi lui intimait en effet de ne pas présider une seconde fois les audiences sauf à rendre – s'il était possible – le procès définitivement inéquitable.Pourtant, malgré toutes ces graves irrégularités, il suffit d'une phrase à la Cour de cassation pour exécuter définitivement M. Massé : « Attendu que l'accusé n'est pas recevable à mettre en cause devant la Cour de cassation l'impartialité du président de la cour d'assises, en invoquant une violation de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors qu'il n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant ce magistrat par application de l'article 668 du Code de procédure pénale et qu'en s'abstenant de le faire avant la clôture des débats, il a renoncé sans équivoque à s'en prévaloir ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli. ».Autrement dit, les avocats de M. Massé, Maître Forget, ancien bâtonnier et candidat du Modem aux élections municipales de la quatrième ville de France et Maître Boucharinc, avocat réputé du barreau de Toulouse auraient dû, constatant la partialité indubitable du président, invoquer l'article 668 et demander sa récusation, l'arrêt de la cour de cassation leur reprochant en quelque sorte de ne pas l'avoir conseillé à leur client.Autrement dit, l'arrêt de la Cour de cassation rejette la faute sur un défaut de conseil, laissant entendre que les pénalistes Boucharinc et Forget n'ont pas fait leur travail correctement pour ne pas connaître les moyens de récusation.Sauf que l'usage de l'article 668 n'est pas sans risque puisque le rejet d'une récusation s'accompagne d'une amende de 70 à 750 euros.LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ? UNIQUEMENT SI VOUS LE DEMANDEZ !Devoir risquer 750 euros pour s'assurer ne pas être jugé par un président partial, le procédé qui résulte d'une hypocrisie de la loi française n'est rien moins que parfaitement choquant.Autrement dit, le pourvoi est rejeté au motif que c'était à l'accusé d'exiger un procès équitable avant même la clôture des débats. Ceci revient à dire que l'on respecterait les droits de l'homme uniquement si l'accusé ou le prévenu sait le demander à temps, sinon l'institution s'autoriserait en quelque sorte, de façon discrétionnaire à s'en laver les mains et à s'en affranchir.Ce serait admissible si le fait de se pourvoir en cassation en invoquant la partialité du président ne s'appuyait que sur des impressions subjectives, quelque lien de parenté trop proche ou une cause équivalente pour laquelle la cour de cassation se serait assuré qu'il n'avait pas atteint la régularité de la procédure. Mais dans le cas qui nous occupe, le président dirigeait les débats en double violation de la loi et non seulement cela, mais sa partialité était définitivement établie par le fait même d'enquêter à charge contre un accusé qu'il devait ensuite juger.Autrement dit, par cette jurisprudence utilisée sans précaution, l'institution renoncerait de façon explicite à se porter garante du respect des droits de l'homme, renverrait cette responsabilité à l'accusé lui-même et autoriserait – un comble – un président de cour d'assises à s'affranchir du respect du Code de procédure pénale.De même, l'on consentirait à faire respecter le plus élémentaire des droits de l'homme, celui d'être jugé équitablement par un tribunal impartial, mais uniquement pour les personnes qui auraient les moyens de se défendre, qui connaîtraient les arcanes du droit et estimeraient pouvoir risquer 750 euros dans une procédure par ce fait incertaine.Les autres, qui n'auraient pas choisi l'avocat qui convient, qui ne sauraient pas, tant pis pour elles : elles n'auraient plus le droit à bénéficier de la protection des lois.Car cet arrêt laisse sous-entendre que le procès fut inéquitable et ne remet pas en cause le fond de la critique – comment pourrait-il en être autrement ? – mais il refuse d'en tirer les conséquences et en fin de compte, en voulant se prémunir d'un abus, estompe une partie du respect des lois et des procédures.A la clé : 25 ans de prison.C'est aussi pour cette raison que la Cour de cassation, réunie en Commission de révision et en Cour de révision, doit avoir à cœur, appréciant la profonde incertitude juridique qui entoure la condamnation de M. Massé, que le procès soit révisé et la condamnation annulée.
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